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MAI 1968

Pierre et Louisette Rubion, retraités fougerais, militants CFDT

Pierre et Louisette Rubion, cédétistes de toujours - Radio France
Pierre et Louisette Rubion, cédétistes de toujours © Radio France - Brigitte Hug

Pierre et Louisette Rubion étaient déjà mariés en Mai 68. Ils avaient respectivement 30 et 28 ans. Ils travaillaient à Rennes. Lui, à GDF. Elle, à la société Economique. Tous les deux  militants CFDT et élus du personnel ont été actifs dans le mouvement. "On faisait grève aussi pour les salaires. Je me souviens qu' à l'époque, mon salaire, en franc, représentait à peu près 90 euros.", explique le retraité.

On espérait un monde meilleur!

"Il n'y avait plus grand chose qui nous faisait peur. Le mot autogestion était sur toutes les lèvres.". Le 19 mai 1968, Pierre Rubion et ses collègues sont réunis dans la cour de l'établissement. Le général de Gaulle avait parlé. "Quand  on a a entendu le mot chienlit, il y a eu une huée, un cri violent. Il est resté une rancoeur.".

Mai 68 a permis de libérer la parole

 

 

Jean-François et Daniel se souviennent de Mai-68

Jean-François Helleux et Daniel Bouffort, deux anciens lycéens fougerais, se remémorent l'année 1968.

Jean-François Helleux et Daniel Bouffort, deux anciens lycéens fougerais, se remémorent l'année 1968. | 

Antoine Victot.

Publié le 

Ce 22 mars 2018 pourrait bien ouvrir le bal d'un printemps agité. Il y a cinquante ans, cette journée avait marqué le début de la contestation à Nanterre. Fougères n'était pas en reste.

 

Témoignage

« À l'époque, les jeans étaient interdits au lycée. Les internes étaient en blouse grise et la jupe était obligatoire pour les filles. » Accoudé à une table du café de la Tête noire, avec son ami Daniel Bouffort, Jean-François Helleux se remémore « ses » années 68.

Alors qu'on fête le cinquantième anniversaire du mouvement du 22-Mars de la fac de Nanterre, et de l'émergence de Daniel Cohn-Bendit, deux compères feuillettent, avec nostalgie, les tracts et les documents précieusement conservés de cette période, « où tout semblait possible. Enfin, on allait avoir la parole ».

Fougères déclarée « ville morte »

Avec sa culture ouvrière, Fougères a tenu une place particulière dans la lutte. « Ce n'était pas qu'un mouvement parisien, ce n'était pas qu'un mouvement jeune ou étudiant, c'était un mouvement général qui a embrassé toutes les catégories populaires », rappelle Daniel Bouffort, âgé de 15 ans et demi au moment de la première grande manifestation « ville morte » du 26 janvier 1968.

Ce jour-là, ouvriers et forces de l'ordre sont face à face devant la sous-préfecture. La chaussure emploie 4 240 personnes en 1968, mais après une période de croissance, l'industrie doit affronter la concurrence étrangère, notamment italienne. Si Réhaut, JB Martin, Bertin ou Morel et Gâté s'en sortent, trois usines viennent de baisser le rideau. Hétier sera la 37e en dix ans. « C'est le début de la mondialisation et du marché commun », commente Daniel Bouffort, sa fibre trotskiste encore chevillé au corps.

 

I

Au lycée public de Fougères, il faudra attendre le 13 mai pour que les élèves se réunissent en assemblée générale sous le préau et affrontent, à coup de sifflet, le stoïque et autoritaire proviseur Henri Lectar. « C'était inimaginable, nous étions étonnés de notre propre audace », sourit Jean-François Helleux. Ils décident d'élire des délégués de classe, adoubés ensuite par le ministre Edgar Faure, et créer un comité de grève. « C'était l'expression d'une parole. Nous avions des choses à dire, pas forcément des revendications précises. Tous les matins, nous étions en AG et puis on a créé un comité de grève qui avait la charge de collecter de l'argent pour les salariés grévistes. » L'utopie était en marche.

 

A FOUGÈRES, TOUT A COMMENCÉ EN 1966

Jeudi, 7 Mai, 1998

De notre correspondante régionale.

ILS sont cinq retraités à se retrouver dans les locaux de l'union locale CFDT de Fougères, Ille-et-Vilaine. Trois femmes et deux hommes. En 1968, ils avaient entre trente et quarante-cinq ans. La plupart d'entre eux travaillaient depuis l'âge de treize ans et tous étaient délégués du personnel. Ils militaient à la CFDT, qui était et qui reste le premier syndicat de la région. Joséphine Couasnon était couturière à la SPLI, Hélène Doudard aide-ménagère à la ville, Marie-Rose Chevallier et Pierre-Simon travaillaient chez Réhault, dans la chaussure, tout comme Bernard Cotard, actuel président du conseil de prud'hommes, salarié, lui, de JB. Martin Ä 1.200 salariés à l'époque, 250 aujourd'hui. Pour cette rencontre, ils ont amené tracts, coupures de presse et diapositives prises trente ans plus t"t par l'un d'entre eux...

UN FRONT SYNDICAL... Présentations. Fougères, 24.000 habitants. Caractéristiques: 10.000 ouvriers dans la chaussure en 1930, une "mono-industrie" en voie d'effondrement dans les années soixante, de grandes grèves dans tout le siècle Ä 1906, 1914, 1921, 1932... "Les ouvriers de Fougères étaient combatifs; quand Citroën s'est installée à Rennes, elle a refusé d'embaucher des Fougerais", dit Pierre-Simon. Signe particulier: "à Fougères, mai 68 a commencé dès 1966". Bernard rappelle qu'à cette date les syndicats CFDT, CGT, FO et FEN s'organisaient en "Front", et que les grèves et arrêts de travail n'ont pas cessé, dès lors, pour la défense de la chaussure et pour la création d'industries nouvelles. Pierre-Simon: "Le 26 janvier 1968, nous étions plusieurs milliers à défiler derrière les 36 cercueils symbolisant les 36 entreprises fermées en dix ans"... Le 8 mai, alors que le mouvement étudiant débute à Paris, les syndicats de Bretagne organisent des manifestations sur le thème: "L'Ouest veut vivre". Le "Front syndical" distribue un tract rouge cosigné par sept organisations et sept associations, qui invite à un débrayage: "Fougères doit vivre et ne vivra que si les travailleurs se retrouvent au coude à coude comme le 26 janvier".

LA JOURNEE DU 8 MAI... "Nous demandions deux mille emplois nouveaux à Fougères, une garderie, une crèche, un lycée technique, mais aussi le SMIG à 600 francs et l'abrogation des ordonnances contre la Sécurité sociale". Il y a plusieurs milliers de manifestants: "Très vite, ça a été tendu", se souvient Joséphine. Les vitres éclatent dans l'appartement du député gaulliste Cointat, à l'h"tel de ville, à la sous-préfecture, où les responsables CFDT, CGT et CDJA prennent la parole pendant qu'une délégation est reçue. Apparition des gardes mobiles: "Des objets, des branches, sont lancés sur les forces de l'ordre qui chargent"... Finalement, le débrayage se transforme en arrêt de travail: "On est allé en cortège installer des piquets de grève et on a commencé l'occupation de Réhault", raconte Pierre-Simon. Très vite, la plupart des entreprises sont en grève ou fermées par les patrons. "A Réhault, les hommes jouaient aux cartes ou aux palets, les femmes tricotaient. Tous les jours, on manifestait devant l'h"tel de ville ou sur la place du Commerce." Joséphine se souvient d'avoir vu les patrons coincés dans la chambre de commerce sortir un par un, entre une haie de manifestants.

L'EVENEMENT GRENELLE... Durant la longue grève, la solidarité s'organise. "Les agriculteurs nous apportaient des légumes, des poulets, des éufs." Hélène, proche du PSU à l'époque, se souvient des étudiants venus de Rennes: "Ils étaient sympathiques, mais on avait du mal à rédiger des tracts ensemble: ils n'avaient pas un parler comme le n"tre!" Le 27 mai, signature des accords de Grenelle: "C'est énorme, ce qu'on a obtenu", rappelle Pierre-Simon. Le SMIG horaire passe de 2,20 F à 3 francs, les allocations familiales et les retraites sont revalorisées, le droit syndical à l'entreprise, reconnu, et les conventions collectives revues à la hausse!" Dans l'après-1968, 2.000 emplois nouveaux seront créés en cinq ans et remplaceront les 1.800 emplois de la chaussure supprimés durant la même période.

LE TEMPS DES SOLIDARITES... Pour Pierre-Simon, "mai 68 a été un véritable soulèvement de la classe ouvrière; ça nous a permis de relever la tête, de comprendre que notre sort était lié à la force des syndicats et à leur unité". Hélène souligne: "On a appris à se connaître dans l'usine et au dehors. Ça nous a ouverts aux autres; en 1974, on accueillait les Lip et, en 1975, nous sommes allés soutenir les ouvriers malouins qui occupaient un chalutier neuf." Marie-Rose affirme: "En mai 68, on a fait notre apprentissage pour plus tard!" Plus tard, en 1976, ce sera l'occupation de Réhault lancée, contre la liquidation de l'entreprise, par la CFDT et la CGT. Elle durera quatre ans, dimanches et vacances compris, et sera ponctuée de manifestations. Durant l'une d'elles, une jeune ch"meuse de dix-sept ans aura l'éil arraché par un tir tendu de grenade lacrymogène... Henri revient à 68: "Les avancées ont été immenses. Ce qui a beaucoup compté, c'est la création des sections syndicales d'entreprise." Joséphine note: "A la SPLI comme ailleurs, il a fallu batailler pour obtenir ces droits nouveaux. Mais on avait gagné de l'assurance par rapport aux patrons"...

TRENTE ANS APRES... Hélène dit: "Les idéaux de mai 68 on les a toujours"... Bernard constate que les acquis de l'époque sont remis en cause: "Le patronat annule les conventions collectives dans les banques, le commerce. C'est grave." Pierre-Simon est pessimiste: "Depuis 1986, avec la suppression de l'autorisation préalable de licenciement, de nombreux délégués ont été virés à l'occasion de plans de restructuration; cela pèse sur les luttes autant que le ch"mage." Un jeune, présent depuis le début, les questionne alors: "Pourquoi ne parlez-vous pas plus souvent de votre victoire?" Réponse: "On a sans cesse été occupés par de nouveaux conflits, de nouvelles grèves, au point que les faits, parfois, se superposent." Conclusion unanime: que la commémoration de Mai accorde toute sa place, à c"té du mouvement étudiant, au mouvement ouvrier...

FRANÇOISE LANCELOT

 

 

A Fougères, mai 68 avait commencé en janvier…

Les événements de Mai 1968 fêtent leurs 50 ans. A l'époque, pendant presque six mois, Fougères a vécu dans la tourmente. Récit des moments forts.

Les Fougerais s’inquiétaient pour leur avenir et celui de leurs enfants. (©Archives la Chronique républicaine)

Nous sommes au début de l’année 1968 à Fougères. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les conditions de travail des ouvriers s’aggravent et les salaires ne cessent de baisser, 550 Francs/mois comme salaire mensuel moyen.

 

«  Fougères l’ouvrière «  enregistre une perte de 52 usines soit 2618 emplois et les allocations chômages ne représentent que 50 % maximum du salaire brut mensuel. Autant dire que la situation de la ville, qui prône la mono-industrie de la chaussure, est très alarmante.

Le drapeau français piétiné

Le 26 janvier, 7000 personnes manifestent place Lariboisière pour « sauver le pays de Fougères » et le drapeau de la France est piétiné à la sous-préfecture. De plus, les manifestants arrachent les grilles de cette dernière pour le « droit au travail pour tous » et les CRS ripostent. L’agitation sociale à Fougères fait les gros titres de la presse quotidienne régionale dès le lendemain.

En mars, l’ORTF se déplace à Fougères et fait un reportage sur les usines. La situation catastrophique des ouvriers est révélée au grand public.

Le 3 mai, nouveau coup dur, la fabrique de semelles Hétier ferme ses portes. C’en est trop. Trois jours plus tard, CGT, CFDT,SNI,SNES et SGEN se regroupent. Ils appellent les Fougerais à un grand rassemblement « pour la défense de l’emploi et le développement économique ». Fougères anticipe sur les grèves nationales.

Le 8 mai à 10h, 3000 personnes se retrouvent place de la Gare, « le temps des promesses et des motions est terminé ». On caillasse les carreaux de l’appartement du député Michel Cointat et le cortège du conseil municipal part sous les huées de la foule. Les manifestants barrent les rues de Fougères, c’est un état de siège où les CRS se font bombardés de projectiles durant toute l’après-midi.

Jacques Chirac annonce la création de la SAGEM

Deux jours après, le secrétaire d’État Jacques Chirac arrive à Fougères et annonce la création de la SAGEM. Il promet des mesures en faveur de l’emploi mais les Fougerais, unanime, ne croient pas aux paroles du secrétaire d’État.

Le 13 mai, l’étalement des vacances est à l’ordre du jour du congrès régional des syndicats d’initiative qui se tient à Fougères, un paradoxe vu la situation actuelle de la ville. Une semaine plus tard, le sous préfet accueille à Fougères les syndicats ouvriers pour négocier à propos des indemnisations du chômage partiel : actuellement à 0,92 Francs/heure, les syndicats veulent 2 Francs.

Le 21 mai, le député Michel Cointat lance aux Fougerais un appel au calme : c’est un échec. Le lendemain, la grève devient générale dans toutes les entreprises et les services publics.

Le 24 mai, l’entreprise Gaillard et Mignot est occupée par ses 200 salariés et les écoles privées ferment leurs portes.

30 chefs d’entreprise séquestrés

Les manifestants fougerais devant la Sous-Prefecture le 27 janvier 1968. (©Archives la Chronique républicaine)

Ce n’est que le 25 mai que les négociations débutent entre les syndicats interprofessionnels et les responsables patronaux de la région. Pour autant, le 27 mai, on séquestre 30 chefs d’entreprise pendant des heures à la Chambre de Commerce et les négociations sont naturellement rompues. Après cet épisode, ces dernières reprennent et ne cessent de continuer jour après jour.

Le lendemain, entre 5000 et 6000 personnes se rassemblent devant les Halles, cette fois ce n’est pas pour protester. Le bureau d’aide sociale de Fougères débloque un millier de centimes pour les familles défavorisées. De plus, des quêtes sont organisées pour aider les grévistes privés de salaire.

Enfin, le dernier jour de mai, un accord est conclu entre les syndicats et les patrons du Pays de Fougères. Le salaire ouvrier mensuel moyen est augmenté de 10% et passe donc à 605 Francs/mois. C’est une victoire pour le monde ouvrier « qui avait besoin d’être reconnu et valorisé ».

Début juin, le travail reprend progressivement dans les entreprises et les services publics. La bibliothèque municipale rouvre ses portes et les gens se ruent chez les libraires. La page est enfin tournée.

En quelques années, la mono-industrie de la chaussure et du textile s’effondre et laisse place à d’autres activités, à l’image de la SAGEM.

LA CHRONIQUE REPUBLICAINE

1968

 

Un témoignage extrait d’un article de presse de 1998

UN FRONT SYNDICAL. Fougères, 24.000 habitants. Caractéristiques: 10.000 ouvriers dans la chaussure en 1930, une "mono-industrie" en voie d'effondrement dans les années soixante, de grandes grèves dans tout le siècle Ä 1906, 1914, 1921, 1932... "Les ouvriers de Fougères étaient combatifs; quand Citroën s'est installée à Rennes, elle a refusé d'embaucher des Fougerais". Signe particulier: "à Fougères, mai 68 a commencé dès 1966". « A cette date les syndicats CFDT, CGT, FO et FEN s'organisaient en "Front", et que les grèves et arrêts de travail n'ont pas cessé, dès lors, pour la défense de la chaussure et pour la création d'industries nouvelles. "Le 26 janvier 1968, nous étions plusieurs milliers à défiler derrière les 36 cercueils symbolisant les 36 entreprises fermées en dix ans"... Le 8 mai, alors que le mouvement étudiant débute à Paris, les syndicats de Bretagne organisent des manifestations sur le thème: "L'Ouest veut vivre". Le "Front syndical" distribue un tract rouge cosigné par sept organisations et sept associations, qui invite à un débrayage: "Fougères doit vivre et ne vivra que si les travailleurs se retrouvent au coude à coude comme le 26 janvier".

LA JOURNEE DU 8 MAI... Nous demandions deux mille emplois nouveaux à Fougères, une garderie, une crèche, un lycée technique, mais aussi le SMIG à 600 francs et l'abrogation des ordonnances

1968 - manifestation Fougères

contre la Sécurité sociale". Il y a plusieurs milliers de manifestants: "Très vite, ça a été tendu". Les vitres éclatent dans l'appartement du député gaulliste Cointat, à l'hotel de ville, à la sous-préfecture, où les responsables CFDT, CGT et CDJA prennent la parole pendant qu'une délégation est reçue.

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Apparition des gardes mobiles: "Des objets, des branches, sont lancés sur les forces de l'ordre qui chargent"... Finalement, le débrayage se transforme en arrêt de travail: "On est allé en cortège installer des piquets de grève et on a commencé l'occupation de Réhault". Très vite, la plupart des entreprises sont en grève ou fermées par les patrons. "A Réhault, les hommes jouaient aux cartes ou aux palets, les femmes tricotaient. Tous les jours, on manifestait devant l'hôtel de ville ou sur la place du Commerce.".

L'EVENEMENT GRENELLE... Durant la longue grève, la solidarité s'organise. "Les agriculteurs nous apportaient des légumes, des poulets, des œufs. Des étudiants sont venus de Rennes: "Ils étaient sympathiques, mais on avait du mal à rédiger des tracts ensemble: ils n'avaient pas un parler comme le nôtre!" Le 27 mai, signature des accords de Grenelle: "C'est énorme, ce qu'on a obtenu. Le SMIG horaire passe de 2,20 F à 3 francs, les allocations familiales et les retraites sont revalorisées, le droit syndical à l'entreprise, reconnu, et les conventions collectives revues à la hausse!" Dans l'après-1968, 2.000 emplois nouveaux seront créés en cinq ans et remplaceront les 1.800 emplois de la chaussure supprimés durant la même période. 

 

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